Fragilité et résistance

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Créée en 1991, la Biennale de Lyon s’affirme aujourd’hui, après plus de trente années d’existence, comme la plus importante manifestation en France consacrée à l’art contemporain et un temps fort dans l’agenda des événements majeurs à l’échelle mondiale.

Reportée en 2022 pour des raisons sanitaires, elle se positionne cette année comme l’un des événements incontournables pour les amateurs d’art contemporain avec la Biennale de Venise ou la Documenta de Kassel. C’est aussi un moment très attendu du public, notamment régional qui représente une partie importante de ses visiteurs, avec un intérêt croissant des jeunes générations (plus de la moitié des 280 000 visiteurs de l’édition de 2019 avait moins de 26 ans). Très implantée sur le territoire et dotée de modes de médiation innovants, elle nourrit le dialogue et l’échange en s’adressant à un public toujours plus large.

Si l’édition précédente, intitulée “Là où les eaux se mêlent”, avait pris pour point de départ la géographie particulière de Lyon afin d’ouvrir une réflexion sur les écosystèmes contemporains, cette 16e éditionemprunte plus particulièrement son fil conducteur à l’Histoire, révélant des événements qui ont, dans le passé, marqué l’actualité locale, avec des répercussions insoupçonnées à l’international sur les plans politique, économique ou social mais aussi sur le plan artistique, prouvant, si cela était encore nécessaire, combien l’art témoigne de son temps.

À partir de recherches approfondies dans des archives publiques et privées, et en puisant dans les collections de nombreux musées sur le territoire régional et national ainsi que dans d’importants musées internationaux, les commissaires de la Biennale de Lyon 2022, Sam Bardaouil et Till Fellrath, ont constitué un “manifeste de la fragilité”, qui propose aux artistes invité∙e∙s d’exprimer à leur tour leur sensibilité au monde qui les entoure et leur désir de résistance dans une actualité entravée par la pandémie et ses conséquences.

Isabelle Bertolotti
Directrice artistique de la Biennale d’art contemporain de Lyon

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Sam et Till

Imaginée par les commissaires Sam Bardaouil et Till Fellrath comme un “manifeste de la fragilité”, la 16e édition de la Biennale d’art contemporain de Lyon affirme la fragilité comme intrinsèquement liée à une forme de résistance, initiée dans le passé, en prise avec le présent et capable d’affronter l’avenir.

La 16e Biennale de Lyon se positionne résolument dans une perspective transhistorique avec des prêts exceptionnels en provenance des musées mais aussi de nombreuses institutions culturelles lyonnaises majeures, telles que le Musée des Beaux-Arts de Lyon, Lugdunum - Musée et théâtres romains, le Musée des Tissus, le Musée des Confluences ou encore les Musées Gadagne.

Persuadée que le dialogue est primordial pour construire un avenir plus équitable et durable, la Biennale s’inscrit dans le temps avec une série d’événements qui auront lieu avant, pendant et après la manifestation à Lyon, grâce à des collaborations engagées avec des institutions du monde entier.

Lyon

La 16e édition de la Biennale de Lyon s’inspire de l’histoire complexe de Lyon. De la glorieuse colonie romaine de Lugdunum jusqu’aux frères Lumière qui ont offert au monde les premiers films, de Napoléon en exil prononçant cette déclaration d’amour : “J’aime fort les Lyonnais, ils me le rendent bien” jusqu’à Louise Brunet la méconnue que le périlleux voyage vers Beyrouth a conduite jusqu’aux usines de soie du Mont-Liban, le destin de Lyon est indissociable de celles et ceux qui l’ont traversée et marquée de leurs originalités, de leurs bizarreries et de leurs destinées souvent romanesques.

En invoquant ces multiples histoires, la 16e Biennale de Lyon explore la fragilité, à la recherche de connexions au-delà des limites de la géographie et du temps.

Puisant dans la richesse des collections des musées de Lyon et d’ailleurs, la Biennale de Lyon a pour objectif d’initier une nouvelle lecture des oeuvres et des récits qu’incarnent ces institutions.

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Fragilité

Notre fragilité est universelle – elle est ressentie partout et par tous, quel que soit le contexte dans lequel elle se révèle. Le corps en porte l’illustration. Qu’il soit racisé, genré, colonisé ou surexploité, le corps est le premier des nombreux lieux où les conflits font rage et se dénouent, où la maladie empire et se soigne, et où la vie, dans toute sa complexité, débute et s’achève. Les différentes strates de la société sont tout aussi fragiles, en particulier sur la ligne de crête qui sépare les nantis des démunis. L’agitation civile croissante suscitée par le refus de répondre aux injustices d’un autre âge et aux iniquités systématiques, renforce l’instabilité du tissu social.

Qu’elle se niche dans le corps meurtri d’un manifestant ou dans le ciel empli de cendres qui surplombe la surface enflammée de la terre, la conscience de notre précarité commune a rarement été aussi tangible et visible. La fragilité est inévitable et inhérente à notre planète.

Dans ce nouveau scénario, le véritable pouvoir n’a pas pour but de conquérir de nouvelles frontières mais celui de poursuivre sa marche vers une sorte de paix intérieure.

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Temps

La 16e Biennale de Lyon considère que les artistes d’hier et d’aujourd’hui comptent souvent parmi les voix les plus vulnérables de nos sociétés. Cette vulnérabilité va de pair avec celle des objets et oeuvres d’art ainsi créées. Bibliothèques et musées sont les temples de ces témoignages temporaires que nous léguons aux générations futures, dans l’espoir que leurs héritages survivent à notre propre mortalité. De même, la nouveauté nous enchante, au risque de nous faire perdre notre capacité à apprécier la contemporanéité de toute forme d’art.

En abordant de front ces impulsions contradictoires, la 16e Biennale de Lyon rassemble des oeuvres d’art et des objets qui couvrent des géographies composites sur plusieurs millénaires et qui déploient desrécits intemporels faits de vulnérabilité et de persévérance. Puisant dans la richesse des collections des musées de Lyon et d’ailleurs, la Biennale de Lyon a pour objectif d’initier une nouvelle lecture des oeuvres et des récits qu’incarnent ces institutions.

Faite de cycles éternels, notre fragilité revient constamment sur le devant de la scène : elle nous regarde droit dans les yeux, puis semble disparaître. Elle persiste sous la peau épaisse du temps, impassible mais bel et bien présente, silencieuse mais jamais réduite au silence.

Résistance

La 16e Biennale de Lyon rassemble de nombreux objets et pratiques créatives qui incarnent la nature fragile et fugace de notre existence. Ces pratiques évoquent la vulnérabilité des personnes et des lieux, mettent à nu leurs cicatrices et leurs difformités, témoignent de leurs tourments ou attirent simplement l’attention sur les traces indélébiles du temps. Que deviendrait notre monde si, au lieu de considérer la vulnérabilité comme une marque de faiblesse, nous l’exploitions pour tenter de reprendre le pouvoir ?

Dans ce nouveau scénario, le véritable pouvoir n’a pas pour but de conquérir de nouvelles frontières mais celui de poursuivre sa marche vers une sorte de paix intérieure. La Biennale propose une déclaration collective étayée par des voix résilientes – des voix qui se nourrissent de tendresse et s’épanouissent dans l’adversité. Une communauté qui respecte la fragilité, se forme là où le mot, l’image, le son et le mouvement se rejoignent, aboutissant à la rédaction d’un manifeste de la fragilité pour un avenir collectif.