Sur invitation de monopôle, la commissaire Katia Porro organise une exposition en duo, des artistes Eglantine Laprie-Sentenac et Valentine Traverse.
«Trop fragile pour l’héroïsme ou trop lucide, l’hypersensible essaierait tout juste de nommer l’extrême intensité d’un vulnérable commun».
– Evelyne Grossman, Éloge de l’hypersensible
À travers les œuvres d’Églantine Laprie-Sentenac et de Valentine Traverse se déploient des géographies matérielles fortement enchevêtrées avec la fragilité de la société. Leurs pratiques respectives puisent là où la vulnérabilité se révèle aussi forte que les systèmes qu’elles affrontent et déconstruisent. Matériaux fragiles et assemblages précaires sont protégés, vénérés, tout en pointant l’absurdité du monde qui nous entoure. Les objets et les mots deviennent les réceptacles des aspirations humaines en évoquant les dynamiques intimes et contingentes du pouvoir, du désir et de la vulnérabilité.
Si Églantine Laprie-Sentenac a un œil averti pour les absurdités de notre environnement bâti,Valentine Traverse révèle une sensibilité aux situations qui s’y produisent. Des barricades métalliques inutiles qui bordent nos rues hostiles au flot sans fin de factures d’assurance qui ne semblent jamais couvrir quoi que ce soit, l’exposition présente un démantèlement de systèmes
mal interprétés à travers un langage visuel sensible d’humour et de critique.
Dans The Last Interview and Other Conversations, Philip K. Dick écrivait: «Nous devons nous contenter du mystère, de l’absurdité, des contradictions, de l’hostilité, mais aussi de la générosité que nous offre notre environnement.». Nous devons donc aussi regarder à travers le prisme lucide de l’hypersensible, comme une manière de nommer l’extrême intensité de notre vulnérable commun, pour citer Evelyne Grossman. Dans un monde qui a vénéré le viril, c’est peut-être, semble-t-il, la seule façon de défaire les structures apparemment puissantes qui nous entourent, la façon de trouver leur faiblesse et de l’utiliser comme notre propre force.
À propos
Katia Porro
Curatrice, critique et traductrice américaine, Katia Porro obtient un master en l’histoire du design de Parsons Paris et un master en art contemporain et études curiatoriales de Sorbonne-Université. Elle a organisé des expositions en France et à l’international et publie régulièrement des textes dans des revues diverses. En novembre 2021, elle a été nommé directrice artistique d’In extenso et La belle revue.
Églantine Laprie-Sentenac
La pratique d’Églantine Laprie-Sentenac (née 1997 en France ; vit et travaille à Londres) réunit une variété de procédés - la sculpture de divers médiums, le dessin, la vidéo, le collage - qui aboutissent à des assemblages. Son travail se nourrit des formes et des conditions spatiales qui définissent les façons de vivre et de voir. Elle construit des structures ou réceptacles hébergeant des objets collectés dans des sources accessibles : la rue, les bazars, les supermarchés, ses archives personnelles. En utilisant parfois l’humour, les installations d’Églantine questionnent le pouvoir conféré aux espaces et glissent sur les sens à donner aux objets. Elle est diplômée de l’Ensba Lyon en 2021.
Valentine Traverse
Valentine Traverse (née en 1991 en France, vit et travaille à Lyon) réalise des petits tableaux animés par la performance, le dessin, la sculpture qui s’entrecroisent tout le temps. Elle utilise une multitude de matériaux qui découlent de la circulation d’objets: une façon d’explorer ces formes et ces surfaces non pérennes autour desquelles nous gravitons. Elle se les approprie et les assemble, un peu comme le ferait un oiseau pour son nid. Avec ces matériaux, Valentine Traverse compose une sorte d’écriture quasi instantanée, hasardeuse, mêlant humeurs mondiales à sa subjectivité. Elle est diplômée de l’ESACM en 2018.